Le Karloff, république indépendante du DVD
Parce qu’une Chouquette n’a pas envie de voir sa fille grandir dans un monde sans culture, privé de l’émotion que procure un beau film, et de l’hilarité ou l’effroi d’une série intelligente, elle a décidé de te parler du dernier vendeur de DVDs indépendant de Lausanne, le Karloff.
Le Karloff a 20 ans
C’était alors un magasin de vente de cassettes vidéos (mais si, rappelle-toi, cet objet délicieux, support magnétique des films de notre prime jeunesse, qu’il fallait rembobiner). Michael Frei, le patron, choisit de lui donner le nom de son acteur préféré, Boris Karloff. Il incarne le monstre de Frankenstein dans sa version de 1931. Une métaphore des plus subtiles. Car à l’image de Frankenstein qui s’interroge sur l’« essence même de la vie » et fabrique une créature dont il perd le contrôle, l’auteur d’un film crée une œuvre dont il doit faire le deuil à la minute où sa production est terminée. Et ce d’autant plus à l’ère du tout dématérialisé, où les films n’ont même plus de valeur marchande. Alors comment oser encore en cette époque de parler de la valeur sentimentale de l’objet DVD ?
Michael est un amoureux transi du 7ème art. Et du 8ème, si on considère que les séries en font partie. Depuis 25 ans, il conseille avec passion et patience les cinéphiles à la recherche d’un film rare. Les curieux en quête d’un bon divertissement. Les boulimiques de cinéma qui repartent les bras chargés de cadeaux (pour eux-mêmes). Il voit tout, il sait tout. Son omniscience n’a de limite qu’en matière de films d’horreur, un genre pour lequel il a tout de même un bel assortiment. Ce n’est pas moi qui le blâmerais pour cette lacune.
Un chaos très organisé
Cinéma asiatique, classique, nouveautés, art et essais, jeune public, Blu-Ray… sans oublier le monticule réservé aux séries qui trône au centre du magasin. Les titres de films défilent sous mes yeux ébahis, et je suis comme un héroïnomane qui ne sait pas s’il va l’ingérer, la sniffer, l’inhaler ou se piquer. Une orgie de DVDs à laquelle il m’est impossible de résister.
Michael s’interroge sur l’avenir proche de sa profession. La destinée de la culture est entre les mains d’une génération qui ne comprend pas l’intérêt de payer pour visionner ou écouter une œuvre. Dès qu’il en a l’occasion, il fait de son mieux pour transmettre sa passion aux plus jeunes afin de leur expliquer que tout travail mérite salaire. Sous peine de voir le cinéma, la musique, la littérature disparaître. Purement et simplement. Il a transmis le virus du cinéma à sa fille. Mais elle fait figure d’OVNI au milieu de ses pairs qui n’ont d’yeux que pour leur IPhone. Pauvres hères qu’on n’a pas initiés aux réjouissances cinéphiliques.
Michael n’a jamais pris la peine de remplacer l’inscription « Cassettes vidéos » par « DVDs » sur sa devanture. Comme un pied de nez au temps qui passe sans avoir de prise sur le joyeux bordel qui règne entre ses murs. La cassette audio fait son grand come-back outre atlantique. Espérons que le DVD ne disparaisse jamais pour ne pas avoir à revenir.
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